Cela fait 20 ans que l’ALENA et Bruxelles promettent le paradis sur terre, et ils veulent récidiver avec le traité transatlantique.

Certains y verront une simple coïncidence. D’autres y percevront peut-être une date fixée dans un calendrier bien préparé. Ce début d’année 2014 est l’occasion en effet, de célébrer les 20 ans du traité de libre-échange nord-américain, intitulé ALENA (ou NAFTA en anglais). C’est ce traité qui sert de modèle au traité de libre-échange Transatlantique qui devrait être appliqué, ou plutôt imposé aux peuples européens et nord-américains, courant 2015. Rien de nouveau pour un projet porté, dès 1990 au lendemain de la chute du monde soviétique, sur les fonds baptismaux de la religion du commerce débridé, car mondialisé, et dont les financiers sont les prophètes. Les négociations, qui s’opérèrent dans la plus totale opacité, ont rassemblé négociateurs officiels et lobbyistes visant à un objectif commun : le règne unique et la primauté du marché, par l’abrogation de toute frontière politique, économique, sociale ou sanitaire. Vingt ans plus tard, à la veille de déposséder les Européens du peu d’indépendance qu’ils conservaient jusqu’à présent, cet anniversaire est l’occasion de refaire le point sur les méthodes de manipulations et les résultats qui en découlent.

Un premier constat : les promesses mensongères n’ont pas pris une ride. Partant du principe qu’un mensonge répété 10.000 fois ressemble à s’y méprendre à une contre-vérité, les promoteurs du traité transatlantique répètent à l’encan, que cet événement historique créera, comme le prétendait naguère les responsables européens, avec Maastricht en 1992 ou le président Clinton en 1993 avec l’ALENA, plusieurs millions d’emplois en conséquence de l’augmentation du commerce. Pour la chambre de commerce des Etats-Unis, l’ALENA a certes permis de multiplier par 3,5 le commerce dans la région, mais elle reconnaît cependant que les promesses de création d’emplois n’ont pas été au rendez-vous. Le nombre total d’emploi détruits est estimé à près d’un million – à comparer à la création de 20 millions d’emplois promise initialement. Ce bilan provisoire ne prend pas en compte, la pression à la baisse des salaires pour les travailleurs états-uniens, induite par les délocalisations, et qui a contribué à leur stagnation relative. On passera sur l’attente de résultats européens alors que se multiplient les fermetures d’entreprises sur le continent et que se raréfient les solutions de reprises économiques locales, en raison notamment d’un centralisme bruxellois suicidaire.

Les similitudes sont cependant frappantes. L’ALENA a permis aux entreprises américaines, de mobiliser leurs fonds d’investissement pour mettre en place des unités de production, le long de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, profitant ainsi des salaires, du droit du travail et des normes environnementales bien plus faibles, côté mexicain, pendant que des usines fermaient aux Etats-Unis. Si les grandes entreprises ont pu dégager des profits très importants, les conditions de travail de part et d’autres se sont, elles, considérablement dégradées. Les travailleurs se sont vus imposés des baisses de salaires, tandis que le chômage a augmenté.

La mainmise de Washington sur des pays européens affaiblis, se précise et l’Union Européenne n’est plus l’élément de puissance ou de protection qu’elle prétendait incarner. Au contraire, elle devient ce qu’elle n’a visiblement jamais cessé d’être : l’exécutant de la mise au pas des peuples européens avant leur asservissement complet par la puissance atlantiste. L’Union Européenne n’a été construite qu’autour de l’argent comme valeur la plus élevée, et de la finance comme l’autorité suprême. Les fusions-acquisitions se multiplient, notamment la prise de possession des banques européennes par les banques américaines. La véritable force de frappe de l’Amérique demeure sa capacité à imprimer des billets verts. Et la guerre des devises semble avoir repris de plus belle pouvant entraîner des risques d’inflations dans le monde.

Le futur qui s’annonce sera difficile. De nombreux observateurs estiment que le « Vieux Monde » est sur le point de subir un changement radical. La Grèce et Chypre sont des avertissements. Ce n’est pas à une simple crise financière, économique ou sociale ordinaire que les peuples devront faire face. C’est à quelque chose de bien plus grave : la tentative d’une certaine communauté financière mondiale de changer fondamentalement l’équilibre social et politique, qui a été créé en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Un équilibre qui a permis de trouver un compromis historique entre le travail et le capital, en construisant une société qui, bien sûr, ne pouvait pas devenir un paradis sur terre, mais qui avait vraiment reconnu, peut-être pour la première fois dans l’histoire, les droits des travailleurs. Malgré le contexte de guerre froide, et la présence de l’OTAN, l’Europe demeurait un moyen de dissuasion contre des idées les plus extrémistes initiées par divers représentants de l’élite oligarchique mondiale et ses projets impérialistes. C’est sur ce terrain, que le Général de Gaulle et tant d’autres comme lui, avaient proclamé une «Europe historique de l’Atlantique à l’Oural» en opposition à un continent mouvant à l’infini qui reposerait sur du liquide.
L’Europe a donc le choix. Se transformer en une zone de dictature directe des marchés soumis à la grande finance, et renoncer en cela à toute pensée politique. Ou bien devenir enfin cette entité géopolitique unique qu’elle était sensée incarner lors de sa fondation. Une union pacifique et démocratique, une association pour le développement et la prospérité des peuples qui en sont membres et, peut-être, comme la formation d’une force destinée à s’affranchir progressivement du contrôle des États-Unis. Par conséquent, la dictature des marchés, qu’implique le futur traité transatlantique, est un déni de l’origine politique de l’Union européenne.