Des Français dans les vignobles russes pour une renaissance d’un vin de qualité

Pour tous les occidentaux la Russie est le pays de la vodka, et beaucoup ignore qu’elle peut produire des vins excellents, principalement dans le Caucase du Nord et les régions bordant la mer Noire. Citons principalement les kraï de Krasnodar et de Stavropol et la république du Daguestan. Le climat se prête tout à fait à la culture vinicole et tout particulièrement  à la production de vins blancs mousseux très agréables qui intéressent des investisseurs étrangers. La difficulté actuelle est de conquérir et de fidéliser une clientèle, mais également de convaincre les pouvoirs publics de soutenir les initiatives, comme autrefois l’avait fait l’Union soviétique. Après la mort de Staline, les autorités soviétiques cherchant à enrayer l’alcoolisme, avaient en 1956, lors du XXIe Congrès du parti communiste,  souhaité la mise en place d’un plan qui devait encourager la viticulture tout en faisant reculer la consommation de vodka en la taxant à des prix prohibitifs. Dans les dix ans qui suivirent, la production et la consommation de vin tripla et passa de quatre à douze millions d’hectolitres par an, mais sans pour cela diminuer la consommation de vodka. Les vins alors consommés dans l’Union soviétique provenaient essentiellement d’Ukraine, de Moldavie et de Russie. La production atteignait 48 millions d’hectolitres, soit trois fois plus que les USA. L’URSS était le quatrième pays producteur mondial, derrière l’Italie, la France et l’Espagne.  La campagne antialcoolique de Gorbatchev il y a vingt-cinq ans la fit chuter à 16 millions d’hectolitres en perdant 51% de sa superficie. La viticulture russe faillit disparaître mais heureusement elle a redémarré dans les années 2000, avec un grand enthousiasme, et cette fois avec une recherche de la qualité.

Si la lutte entre les producteurs de vodka et de vin en Russie est toujours d’actualité,  les vins russes s’imposent maintenant dans la production nationale russe, grâce à une dizaine de Français qui font la liaison France-Russie. Ainsi, grâce à ces œnologues de Champagne, de Bordeaux et de la vallée du Rhône, les terres d’Annaba, près de la mer Noire, se transforment en véritable terre promise vinicole. Ils ont relevé d’anciens centres historiques de production, comme l’entreprise du domaine Abrau-Duro, sur la mer Noire, créée par Alexandre II en 1870 et tombée en décadence dans les années 2000. Grâce à la volonté de Boris Titov qui l’a racheté et y a investi 15 millions d’Euros, tout en nommant directeur de production, le Français Hervé Justin, Abrau Duro est désormais redevenu le champion de la production de vin mousseux en Russie et prépare son introduction en bourse à Londres.

Depuis 2006, de nombreux domaines vinicoles produisent des vins de qualité. Un dossier très intéressant de La Russie d’Aujourd’hui, titré « Bacchus revit sur la mer Noire » fait le point sur l’actualité vinicole en Russie. Signalons parmi ces producteurs de vins de qualité, le Château le Grand Vonok, un vignoble de 250 ha. Situé dans un domaine de 1600 ha, à 75 km de la mer Noire, et signalé dans le Guide des vins russes, paru en 2012, il a adopté nos techniques de viniculture par une sélection de plans de qualité réalisés par des vignerons français. Franck Duseigneur, précurseur et directeur général du château avec son épouse Gaëlle Brullon, associés à Laurent Dubreuil comme chef vigneron, y font voisiner le Chardonay, l’aligoté et le Sauvignon avec les cépages locaux tels le rkatsiteli et le krasnotop. Jérôme Barret, œnologue champenois, conseille la société Kuba nivo et son compatriote Hervé Jestin, élabore des assemblages pour Abrau-Duro ; le rhodanien Alain Dugas a lancé avec des partenaires russes, le domaine Kodzor, près d’Anapa. Il y a adapté le grenache, le caladoc, le cinsault et le viognier, inconnu jusqu’alors en Russie. Patrick Léon, ex directeur technique de Mouton Rothschild a quant  lui, été séduit par le domaine Lekfadia, près du Grand Vostok.
Leurs productions devraient toutes être prêtes pour les Jeux Olympiques de Sotchi, en 2014.
Arthur Sarkistan, chef du syndicat des sommeliers russes est convaincu du succès des vins russes sur les cartes des restaurants et dans les rayons des magasins, ces vins ayant été préalablement sélectionnés par un comité d’experts.