Kazakhstan : une carte postale qui cache une réalité économique dangereuse

Quand la situation économique kasakh se tend…

Terrain miné… c’est ce que disent les investisseurs qui ont déjà travaillé au Kazakhstan. Et pourtant, c’est vaste et sauvage, le Kazakhstan : une superficie de 5 fois la France, pas même 18 millions d’habitants, situé aux frontières de la Chine, de la Russie et de la Mongolie. Avec une économie tournée à plus de 55% vers le pétrole, mais également les premières réserves mondiales d’uranium et 33% de la production mondiale de combustible, le Kazakhstan serait un pays prometteur, un véritable eldorado minier avec le fer, le manganèse et le potassium, s’il n’était victime d’une corruption endémique de ses fonctionnaires locaux, police, justice et élus compris.

 

Le dernier sommet du G20, récemment tenu à Saint-Pétersbourg, abordait justement la question, en pleine crise mondiale, de la fuite des capitaux des pays en voies de développement, en raison de lois défectueuses et inadaptées, d’un haut niveau de corruption au sein des organismes judiciaires et des forces de l’ordre, et d’une politique d’état imprévisible et donc incapable de susciter la confiance des investisseurs étrangers. À croire que l’on dresse ici le portrait robot du Kazakhstan…

Si le président, Noursoultan Nazarbaev, en place depuis l’indépendance de 1991, fait appel aux investissements étrangers en les qualifiant, je cite, « de facteurs importants pour la stabilité politique », l’OCDE – tout en saluant les efforts du gouvernement central – a soulevé, dans un rapport de 118 pages, édité au début de cette année 2013, je cite « un niveau de corruption trop élevé, notamment s’agissant de l’utilisation des fonds publics ».

Pour résoudre, je cite toujours, « ce grave problème », l’OCDE préconise au Kazakhstan, entre autres mesures :

  • de renforcer l’intégrité de son administration publique, en empêchant notamment la politisation de la fonction publique et en assurant l’indépendance du pouvoir judiciaire et de l’Institution supérieure de contrôle des finances publiques,
  • d’adopter une loi sur l’accès à l’information et de supprimer la responsabilité pénale pour la diffamation dans les médias,
  • d’éliminer les vides juridiques de la législation relative aux marchés publics,
  • et de mettre la législation pénale kazakhe en conformité avec la CNUCC, en adoptant notamment une loi sur la responsabilité des personnes morales.

En clair, tout reste à faire…

Il est vrai que les exemples ne manquent pas. Les investissements dans l’économie du Kazakhstan sont risqués, voire dangereux pour l’intégrité des dirigeants, notamment par des OPA agressives devenues de plus en plus fréquentes contre lesquelles il est absolument inutile de lutter par les méthodes appropriées, habituelles des pays développés. En effet, une fois les investissements effectués, les sociétés étrangères sont dépouillées des marchés, au profit de sociétés locales montées par des fonctionnaires corrompus, mais également soutenus par des capitaux américains lorsqu’ils s’agit de marchés stratégiques comme les terres rares – ces minerais aussi rares que nécessaires à l’électronique de pointe – le pétrole ou l’uranium.

Ainsi, le Kazakhstan a été condamné à payer à deux sociétés de télécommunications turques, Rumeli Telecom et Telsim Mobi, près de 200 millions de dollars. Finançant une grande partie du réseau mobile, ces deux compagnies avaient été spoliées de la gestion du réseau ainsi mis en place par une maffia locale, mêlant fonctionnaires avides, politiciens véreux et dans l’ombre, sans que l’on puisse en déterminer la source, des capitaux étrangers. Incapables de se faire rendre justice au Kazakhstan, les deux compagnies ont mis des années à faire reconnaître leur droit par une juridiction internationale, abasourdie par une telle absence de cadre juridique sûr, que ce soit la législation ou les personnes sensées l’appliquer !

Même la holding italienne Italcementi Group, numéro cinq mondial du ciment, n’est pas parvenue à défendre ses intérêts. Acquéreuse en 1998 de l’entreprise kazakh Shym kent cement, elle fut confrontée l’année suivante à toute une série de décisions administratives, et donc politiques, menant à l’arrêt de la production… en pleine demande internationale et d’une montée brusque des prix mondiaux.  Les prix du marché local étant réglementés par l’Etat – qui les maintient au niveau le plus bas pour favoriser les constructions locales – permettent ainsi aux fonctionnaires locaux de s’enrichir en devenant sous-traitants…

Les constructions dantesques de la capitale, Astana, ou les routes qui sillonnent ce pays immenses, sont aussi prétextes à des pots-de-vin ou à des marchés truqués. La compagnie italienne Gruppo Todini et une compagnie iranienne, ont ainsi vu l’enveloppe globale de leur contrat réduite unilatéralement par l’État, mais se sont également vu contraintes d’acheter des matériaux sept fois plus chers que le tarif officiel, sans aucune compensation de l’Etat. Gruppo Todini a jeté l’éponge, jugeant impossible d’obtenir justice dans le contexte politico-juridique Kazakh.

Le dernier scandale en date prend une ampleur internationale compte tenu des compagnies pharmaceutiques lésées : les turques Abdi Ibrahim et Nobel Ilac, la tchèque Favea Europe, la polonaise Polpharma ou encore la russe Pharmstandart. Attirées par des conditions d’investissements avantageuses, ce consortium a construit plusieurs usines pharmaceutiques au Kazakhstan. Mais le pouvoir a radicalement changé le contrat initial, en réduisant la période des avantages consentis de 7 à … 2 ans ! Bien évidemment, cela rend tout le projet déficitaire, et la décision prise au sommet de l’État viole le principe même d’investissement sécurisé et de défense garantie, puisque les compagnies n’ont pas eu un mot à dire… Le Kazakhstan sera certainement condamné par une juridiction internationale pour cette violation du droit, mais dans combien de temps ?

C’est une donnée à prendre à compte pour tout investisseur tenté par l’image de carte postale qu’offre le Kazakhstan. Quand on voit les risques encourus et les pertes subies par des multinationales, on se dit qu’une entreprise régionale n’a aucune chance de retrouver le moindre euro investi. Il ne faut donc pas confondre tourisme et investissements…