La Russie fête les 20 ans de sa constitution : Vladimir Poutine fait l’éloge d’un “Conservatisme sain”

C’est un bel anniversaire que la Russie peut offrir à sa constitution. 20 ans, l’âge de raison, et la Fédération est revenue au cœur de l’actualité mondiale, en s’imposant comme incontournable dans une diplomatie de paix comme en Syrie ou en Iran, ou comme leader des Brics aux côtés de la Chine et de l’Inde. Et dans le même temps, en pleine crise économique mondiale, la Russie s’offre une situation intérieure assainie, avec un taux d’inflation au plus bas niveau pour 2014, des salaires en hausse minimale de 3,9%, une production industrielle en hausse de 2,2%, et des investissements qui suivent à hauteur de 3,9%…
C’est donc serein que Vladimir Poutine a adressé son message annuel au Parlement, ce jeudi dernier. Dans ce message à l’Assemblée fédérale, considéré comme « exhaustif et concret » par les journalistes et les membres de l’assemblée, le président Poutine a mis l’accent sur les questions sociales, économiques et de politique intérieure. Il a particulièrement insisté sur la santé morale de la société et le rôle de la Russie dans le monde contemporain.

En ce 20e anniversaire de l’adoption de la Loi fondamentale, le président de la Fédération de Russie, a relevé que les dispositions constitutionnelles déterminant les droits et les libertés étaient immuables, mais qu’il était possible, et parfois nécessaire, de faire des modifications ponctuelles, dans d’autres chapitres, pour les mettre en phase avec la jurisprudence et les réalités changeantes. Ainsi, la nécessité de développer la concurrence politique s’inscrit également dans la logique du processus constitutionnel. Vladimir Poutine s’est ainsi dit convaincu que les nouveaux partis, ayant obtenu un succès aux élections locales, deviendront bientôt des concurrents sérieux pour les formations politiques qui contrôlent aujourd’hui les Assemblées nationales. Il a également mis l’accent sur le fait que l’État doit veiller au renouvellement des structures administratives qui ont besoin de cadres bien préparés et responsables, tout en rappelant la nécessité du renforcement du contrôle de la société sur les fonctionnaires.

Dans le volet économique du message, le président Poutine a mentionné les mesures visant à rendre l’économie plus transparente et à donner une puissante impulsion au développement de la Sibérie et de l’Extrême-Orient. Selon lui, le pays doit se tourner vers le Pacifique, ce qui lui donnera des perspectives économiques et des possibilités nouvelles en politique extérieure. Vladimir Poutine est déterminé à promouvoir l’intégration eurasiatique, sans toutefois l’opposer au processus d’intégration européenne. La Russie, pierre d’angle entre ces deux projets, les voit complémentaires à condition que l’Union européenne comprenne que son intérêt n’est pas au-delà de l’Atlantique, mais bel et bien dans sa continuité continentale, vers l’Est.

Et c’est sans doute par son contenu idéologique que ce discours touchera les populations européennes, autant que la société russe.
Vladimir Poutine a estimé en effet, que l’évolution du monde devient de plus en plus contradictoire et que, dans ce contexte, la responsabilité historique de la Russie ne cesse de croître, en sa qualité d’État qui défend ses valeurs, sans revendiquer l’hégémonie ni chercher à donner des leçons à qui que ce soit. Je cite : « Nous nous efforcerons de devenir leaders tout en défendant le droit international et en faisant respecter la souveraineté nationale, l’autonomie et l’identité des peuples. Cette attitude coule de source pour un État comme la Russie avec sa grande histoire, et son expérience séculaire de coexistence organique des peuples dans le cadre d’un État uni, expérience qui n’a rien à voir avec une soi-disante tolérance asexuée et stérile. » Fin de citation.

Car le président russe estime que de nombreux pays se sont engagés aujourd’hui, dans la révision des normes de la morale et de la moralité, et dans l’effacement des traditions nationales et des différences culturelles. Je cite encore le Président Poutine : « On demande désormais à la société non seulement la reconnaissance du droit de chacun à la liberté de conscience, des opinions politiques et de la vie privée mais encore, aussi étrange que cela puisse paraître, la reconnaissance obligatoire des notions de bien et de mal qui sont antagonistes par définition. Nous savons qu’il y a dans le monde de plus en plus de gens qui soutiennent notre position en faveur de la défense des valeurs traditionnelles comme la famille, la vie humaine, la liberté religieuse, l’humanisme et la diversité du monde. C’est, naturellement, une position conservatrice mais comme le disait le penseur russe Nikolaï Berdiaev, le conservatisme n’empêche pas le progrès mais bloque le mouvement inverse vers le chaos et les ténèbres. »

C’est un message politique extrêmement fort. La politique extérieure russe se fondait jusqu’ici sur le pragmatisme, rappelle Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue La Russie dans la politique globale. Désormais, Vladimir Poutine proclame pour la première fois, nettement et ouvertement, que le conservatisme devient le fondement de l’idéologie officielle. Un œil sur le passé, un œil sur le futur. Et Fedor Loukianov de préciser, je cite : « Les succès enregistrés au cours de l’année qui s’achève par la politique extérieure russe, donnent l’impression qu’on ne peut plus compté uniquement sur le pragmatisme. En effet, qu’elle le veuille ou non, la Russie est de plus en plus perçue dans le monde comme appelée à jouer un très grand rôle. Il me semble que Poutine a fait comprendre que nous sommes en train de devenir un pôle idéologique. Le pôle antagoniste très bien défini par Poutine est « la tolérance asexuée et stérile » personnifiée par l’approche occidentale contemporaine, le libéralisme. Le conservatisme se situe aux antipodes et nous sommes en train de nous en réclamer. » fin de citation.

Il y a eu ces dernières années des tentatives connues de tous, visant à imposer à d’autres pays un modèle de développement se voulant plus progressiste. Or, elles tournaient en réalité à la régression, à la barbarie à un bain de sang, à l’inversion des valeurs, à la négation de la spiritualité et à la promotion des perversions. Dans le même temps, la crise syrienne, et désormais la question iranienne, montrent que tout problème international peut et doit être résolu par des moyens exclusivement politiques, sans recours à la force, qui est une impasse rejetée par la plupart des pays. La Russie est prête à coopérer pleinement avec tous les partenaires pour assurer une sécurité commune, égale et indivisible. Le président Poutine y a particulièrement insisté dans son message. C’est ainsi que, selon lui, Moscou se rend parfaitement compte que le bouclier antimissile américain n’a de défensif que le nom et est en réalité un élément majeur du potentiel stratégique offensif. L’élaboration et la réalisation du soi-disant concept de « global strike », peut avoir des conséquences très négatives pour la stabilité régionale et globale. Personne ne doit se faire d’illusions quant à la possibilité d’obtenir la supériorité militaire sur la Russie, a également souligné le président russe. La Russie est capable de relever tous les défis tant politiques que technologiques. La doctrine militaire nationale et les armements de pointe permettront de garantir sans aucun doute la sécurité de l’État russe et de toutes les nations qui partageront sa volonté de promouvoir les sociétés traditionnelles, gardiennes des valeurs morales, familiales et spirituelles.