Le monde rural qui souffrait en silence et se suicidait sans bruit, commence à se révolter.

Si Dieu a fait la campagne et l’homme la ville, il semblerait que les vicissitudes humaines commence à corrompre cet écrin de sérénité qu’avait su préserver le monde rural français. On constate en effet que l’insécurité en France ne se limite plus qu’aux seules zones urbaines. On sait que si les villes possèdent de nombreuses infrastructures et services publics, la campagne est considérée comme le parent pauvre de la République. Les bureaux de postes, comme les cabinets médicaux ou les transports en communs se raréfient. Mais on n’incendie pas encore les salles des fêtes, les collèges ou les commerces, ils sont bien trop rares. Et comme l’on n’a pas toujours les moyens d’aller en ville trop souvent, alors on se serre les coudes et l’on s’entraide comme on peut. Certains départements comptent parfois bien plus de personnes pauvres qu’en région parisienne, qui concentre pourtant une forte partie de la population dans le besoin. Seulement, à la campagne on veut rester digne et discret, et surtout on ne se plaint pas. Ce qui n’empêche pas d’être en colère. Car ce qui était jusqu’à présent toléré devient franchement insupportable. Les vols en tout genre et les agressions se multiplient, sans que les services de la gendarmerie ne puissent répondre à l’ampleur du phénomène. Vol de matériel, de carburant, de bois, de bétail dans les prés mais aussi dans les exploitations. Pillage des champs lorsque la récolte est arrivée à maturité. Agressions et extorsions à domicile, cambriolages. Tout cela est devenus le lot quotidien des paysans, mais aussi des personnes qui croyaient pourtant avoir trouvé refuge à la campagne.

Les agriculteurs triment et n’en peuvent plus. En plus d’être écrasé de dettes, ils se sentent de plus en plus abandonnés par des pouvoirs publics qui n’ont plus les moyens d’assurer le minimum de leur mission régalienne. Enhardies par les faibles effectifs de sécurité, la petite délinquance semble avoir cédé le pas à des équipes organisées qui descendent de la ville procéder à des razzias. Au point que les services de gendarmerie requièrent l’aide de la population dans certaines zones, pour servir d’auxiliaires de surveillance. Faute de crédits, ces gendarmeries n’auront même plus les moyens de régler leurs loyers aux collectivités territoriales et les réservoirs des véhicules seront peut-être à sec avant la fin de l’année. Malheur cependant à celui qui aurait la mauvaise idée, en entendant du bruit chez lui ou dans sa propriété, de tirer en l’air pour faire fuir des intrus et de le déclarer le lendemain en portant plainte. Ses armes lui seraient immédiatement confisquées et il serait surveillé comme un dangereux citoyen. Pourtant la tentation est grande de se faire justice soi-même. Surtout quand on voit le fruit de son travail disparaître en une nuit ou ses animaux mutilés. Force doit rester à la loi. Certes, mais que faire en cas d’absence de ses représentants ? Force doit rester au droit qui veut que l’on soit d’abord maître chez soi et responsable de ses actes, comme des siens. Tout voleur peut se transformer en agresseur. Et dans le feu de l’action, bien malin le juge qui n’a jamais subit d’agression, qui saura se mettre à la place du bon père de famille. La légitime défense n’existe pas de fait en France. L’agresseur est le plus souvent considéré comme la victime s’il ne s’en sort pas.

Près de 500 paysans se donnent la mort par an. Le plus souvent par arme à feu ou pendaison. C’est la profession la plus touchée par ce fléau, loin devant les professeurs et les policiers. Mais ceux-là les journalistes n’en parlent jamais. C’est vrai que 99 % d’entre eux ne connaissent de la campagne que leurs résidences secondaires et le marché bio en ville. Mais les effets de la crise de l’agroalimentaire, couplée à ces phénomènes d’insécurité, suscitent de vives inquiétudes de la part des autorités politiques. Notamment en Bretagne, terre de traditions et de révoltes populaires, mais aussi de paradoxes, qui subit actuellement de plein fouet, la politique de dumping social imposée par Bruxelles, après avoir profité de la PAC et permis de faire passer les principales décisions européennes. Pourtant traditionnellement classée à gauche, la région bascule dans une pré-fronde électorale. François Hollande qui avait obtenu plus de 56 % des votes lors de son élection présidentielle, n’y serait certainement plus accueillis par des mots fleuris mais par du fumier sur lequel poussent les fleurs. Même les promesses de son premier ministre d’origine bretonne, Jean-Marc Ayrault ne suffisent plus à calmer le ressentiment légitime, envers une classe politique considérée comme dénuée de vrai courage, impuissante face à Bruxelles et tout juste bonne à caqueter à l’assemblée nationale. D’où la multiplication des manifestations de salariés mais aussi d’agriculteurs, qui ont occupés des endroits symboliques mais aussi détruit, dès le mois d’août, des portiques sensés ramener 70 millions d’écotaxes au gouvernement. Trop c’est trop ! crient-ils, se faisant ainsi les porte-voix de tout l’hexagone. Et les fusils des désespérés pourraient alors se retourner contre ceux qu’ils considéreront comme les responsables de leur malheur. Quitte à se suicider, autant que se soit avec eux.