Pour comprendre la problématique ukrainienne, suivez le gazoduc.

Pour comprendre la crise ukrainienne, il faut notamment comprendre la problématique du gaz russe pour les élites occidentales.
Oui, l’Europe est dépendante du gaz russe, puisqu’elle importe chaque année 27% de sa consommation de gaz, de Russie.
En 2013, les importations de gaz depuis la Russie, dont 70% transitent par l’Ukraine, ont augmenté de façon significative, passant en un an de 23% à 27%. Le voisin russe est la première source d’approvisionnement, loin devant l’Algérie et le Qatar.
Il est vrai que la France est moins exposée que l’Europe de l’Est et que l’Allemagne, avec seulement 10% de son approvisionnement en provenance de Russie. En effet, l’Hexagone tourne plutôt au gaz norvégien et algérien. Gaz algérien qu’elle paye d’ailleurs très cher, en raison des contrats passés après la guerre d’Algérie et qui lui sont très peu favorables.
Les experts les plus pondérés, estime qu’à l’horizon 2020, la Russie représentera 30% des importations européennes, en raison notamment de la croissance de ses réserves prouvées, de ses capacités de production et des infrastructures de transport.

Cette dépendance de l’Europe n’est que technique, puisque jamais la Russie ne s’est servi du gaz comme arme politique ou stratégique. Elle a toujours respecté ses engagements et ses livraisons, quand bien même l’attitude de ses partenaires européens n’était pas très digne… Elle n’a jamais profité de sa position dominante pour augmenter ses prix qui restent parmi les plus bas du marché, notamment en comparaison avec le marché asiatique.
Le problème est donc à la fois local, en Ukraine, et international, au travers des ambitions exportatrices des USA.

Sur le plan local, tout d’abord. L’Ukraine est un mauvais payeur. Et, rappelons-le, 70% du gaz russe pour l’Europe, transite par l’Ukraine. C’est la combinaison de ces deux faits qui permet à l’Ukraine d’avoir une ardoise de 16 milliards de dollars, soit 10% de son PIB, vis à vis de la Russie, pour des factures impayées.  Si les gazoducs alimentant l’Europe, ne passait pas par l’Ukraine, il y a longtemps que le gaz aurait été coupé en Ukraine. Mais la Russie, au détriment de ses propres intérêts, n’a jamais voulu pénaliser ses clients européens. Une délicatesse qui n’a pas effleuré l’Ukraine qui, plusieurs fois, a coupé l’approvisionnement européen pour faire plier Moscou.
Un accord survenu en 2009 a mis fin temporairement à cette période d’instabilité. Un accord conclu en fixant le prix des 1000 m3 à 485 dollars.
Fin 2013, pour venir en aide à la population ukrainienne, la Russie et Gazprom, acceptent de baisser le prix des 1000 m3 à 268 dollars, un prix jamais consenti à aucun autre pays. Mieux encore, la Russie accorde un prêt de 3 milliards de dollars, pour que l’Ukraine paye ses factures arriérées. Quatre mois plus tard, non seulement l’Ukraine n’a pas payé ses factures en attente, mais ne rembourse pas non plus l’emprunt… La Russie a donc décidé de revenir au prix normal du contrat de 2009 et exige désormais, comme le lui permet ce contrat, un paiement à la commande. Dans le même temps, la Russie poursuit sa construction de gazoducs en Europe pour contourner l’Ukraine et garantir ses livraisons aux pays européens : Northstream à travers la Baltique pour arriver directement en Allemagne, Soutstream par la Mer Noire, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et la Hongrie pour déboucher soit en Italie soit en Autriche.

Vladimir Poutine a écrit une lettre, non rendue publique, à ses homologues européens, dans laquelle il les enjoint de faire le nécessaire, puisqu’ils reconnaissent le pouvoir factieux de Kiev comme étant légitime. Il est en effet paradoxal de voir les chancelleries européennes ne rien faire pour soutenir l’Ukraine, ne lui accordant pas un seul dollar ou euro, tandis que la Russie, qui ne reconnaît pas le pouvoir en place, apporte toujours son aide à la population. Il est plus que temps que l’UE se réveille, car l’Ukraine a déjà cessé de pomper le gaz dans ses réservoirs souterrains qui assurent justement l’approvisionnement en gaz des consommateurs européens en période hivernale…

Sur le plan International, ensuite. La production de pétrole et de gaz aux Etats-Unis n’est pas rentable, compte-tenu des prix du marché, en période de stabilité. Mais en période de stabilité, seulement. Quand les circuits de production et d’alimentation sont perturbés par des conflits, les prix augmentent et permettent de couvrir les coûts d’exploitation américains.
Pour le pétrole, c’est simple, les solutions trouvées pour faire monter les prix sont, la guerre en Irak, en Libye, en Syrie, en Afghanistan et la politique de tension permanente vis-à-vis de l’Iran et du Venezuela.
Pour le gaz de schiste, le nœud gordien, c’est l’Ukraine. En installant un gouvernement de factieux à Kiev, dans un état déjà peu réputé pour sa probité à l’égard de la Russie, les USA ont fait monter les tensions ethniques et séparatistes pour contraindre la Russie à intervenir et à prendre partie. Bien que respectant les règles de droit international et la volonté des peuples, bien que ne déplaçant pas, un seul blindé au-delà de sa frontière, la Russie est devenu l’agresseur, l’ours sadique qui mange les petits ukrainiens et assassinent les amis de Laurent Fabius et de BHL…
Les medias occidentaux, plus efficace qu’une division de blindés, se lancent alors à l’assaut et martèlent, à l’appui des déclarations des politiciens européens corrompus : « on ne peut pas faire de commerce avec la Russie qui ne respecte pas les droits de l’homme ». Une antienne répétée, martelée, matin, midi et soir à la télévision, à la radio et imprimée à longueur de colonnes de la presse écrite.
Il ne faut donc plus acheter de gaz russe, entre autres. La solution est donc le gaz de schiste américain. Peu importe que celui-ci soit exploité dans des conditions dévastatrices, pour l’écologie à cause de la fracturation hydraulique et pour les populations américaines qui vivent au-dessus des gisements. Peu importe qu’il soit vendu aux Européens plus cher que le gaz russe. Peu importe que la production américaine soit incapable de couvrir les besoins de la consommation européenne.
La solution est là, les droits de l’homme sont à ce prix…

Quelles sont les conséquences de cette position irrationnelle mais sans doute, ô combien lucrative, pour les pseudo-élites européennes ? Vladimir Poutine se rendra en mai à Pékin, avec les représentants de grands conglomérats industriels, tel que Gazprom, Rosneft, Novatek et Rusal, pour la signature de contrats énergétiques portant non seulement sur la fourniture de gaz, par oléoducs terrestres, de pétrole par mer, mais également sur l’exploitations de gisements à Sakhaline et en Sibérie orientale. Conjointement à ces contrats, sera étudiée, la coopération russo-chinoise dans l’industrie houillère, en particulier sur l’exploitation conjointe de gisements de houille, sur les travaux de sous-traitance, les livraisons d’équipements, la construction de centrales électriques à proximité des mines de charbon et la possibilité de fournitures supplémentaires d’électricité à la Chine, via des lignes à haute tension. La Russie et la Chine ont également convenu d’accélérer la construction d’une raffinerie et d’une usine pétrochimique à Tianjin.
Le message est clair : la Chine a les moyens et les besoins de s’offrir la quasi-totalité de la production énergétique russe actuelle… Pourquoi la Russie continuerait-elle à fournir en gaz, des pays qui lui crachent systématiquement dans la main qu’elle leur tend ?
Nos civilisations, notre histoire, notre race ont beau être européennes, si la Russie doit tourner le dos à ses cousins pendant 25 ans, le temps qu’ils retrouvent leur esprit et leur indépendance, elle le fera. Pour entretenir l’amitié, il faut être deux. Sur ce plan-là, au moins c’est vrai, la Russie, seule, ne peut rien faire…

Alors, quand les foyers européens claqueront des dents dans des appartements à 3 ou 4°, pendant que les salons dorés des élus de la république se chaufferont à 23°, grâce au gaz de schiste américain, on peut être sûr que les medias expliqueront doctement que la préservation des droits de l’homme était à ce prix.
Les multinationales américaines se remplissent les poches, les élus européens touchent leur commission, les citoyens américains crèvent de la pollution, les Européens de froid, mais les droits de l’homme sont respectés. Les droits de qui, ça au final, on ne le sait toujours pas, mais les habitants de Crimée et de Russie, eux, se chauffent et vivent normalement.
Les couillons, comptez-vous…