Quand l’or se barre, le plomb arrive, généralement très vite : sombre perspective pour l’Europe de Bruxelles.

Est-ce un hasard ? L’once d’or, le métal considéré traditionnellement comme refuge par les investisseurs, a atteint jeudi ses plus hauts taux depuis ces six derniers mois sur fond de tensions autour de l’Ukraine. En Asie, l’once d’or a progressé de 0,6% pour atteindre 1 374,69 dollars, le maximum depuis le 19 septembre 2013. La hausse des cours de l’or se poursuit depuis 6 semaines d’affilée. De quoi justifier, sans doute, la mise à l’abri de l’or ukrainien, acheminé par avions spéciaux directement de Kiev à la réserve fédérale américaine.

La crise ukrainienne a plongé l’économie nationale dans un état catastrophique. Le pays ne peut compter pour l’instant que sur des promesses de financements par le FMI sous conditions spoliatrices à la grecque. De quoi effectivement favoriser l’intégration de l’Ukraine dans l’Union Européenne, dont les 27 membres ont, rappelons-le, une situation générale grevée par un appauvrissement des populations et une économie chancelante. Bien que l’optimisme du dirigeant de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, essaye de prouver le contraire, en déclarant que la zone euro demeure  « un îlot de stabilité », même si la croissance dans cette zone est lente et que le chômage y reste endémique. Champion de la langue de bois ou amateurs d’oxymores, l’ancien cadre de la banque Goldman & Sachs, nommé sans avoir été élu pour diriger l’Italie, semble déborder d’insouciance béate quand il déclare que la zone euro doit, je cite : « redevenir un îlot de prospérité et de création d’emplois. » fin de citation. On aurait souhaité qu’elle le fut un jour.

Le niveau historiquement bas des taux d’intérêt n’a cependant pas réussi à inspirer la croissance dans la zone euro. En outre, les taux d’intérêt s’appliquent à tous les Etats membres, dont les grandes économies que sont l’Allemagne, la France et l’Italie qui se remettent à peine des effets de la première crise de 2008, à des vitesses différentes et en fonction de leur capacité. Tandis que les économies endettées des pays du Sud comme la Grèce et Chypre continuent de souffrir. L’inflation est dangereusement basse, avec actuellement 0,8%, soit moins de la moitié de la fourchette cible des 2 %. Son taux a été revu à la baisse pour 2014 à 1% seulement et la croissance est estimée à 1,3% en 2015 et à 1,5% en 2016. Quelle solution envisage donc les pontes de la BCE ? Rien de moins que d’appliquer les bonnes vielles méthodes américaines, traité transatlantique oblige, en répétant la même erreur  du « Quantitative Easing ». C’est à dire de faire fonctionner, en dépit de toutes réalités économiques, la planche à billets et d’imprimer pour environ 175 milliards d’Euros papiers. De quoi déprécier la valeur de la monnaie européenne et faire perdre le peu de crédibilité des investisseurs. L’injection de la liquidité ne durerait qu’un temps relativement court, moins d’un an selon M. Draghi, pour tenter une relance de l’économie de la zone Euro. Ou l’achever, en la faisant entrer dans la spirale destructrice de la guerre des monnaies.

Justement, pour l’une des plus grandes figures de ces spéculateurs capables de faire vaciller une économie ou une monnaie nationale, Georges Soros, qui est à la philanthropie ce que BHL est à la philosophie, l’euro est jugé comme un projet incomplet, une monnaie sans un trésor commun. Le principal défaut de l’Europe selon lui, ce sont ces gouvernements souverains qui peuvent s’exposer au risque de défaut, car ils ont conservé leur propre monnaie et peuvent imprimer plus d’argent pour éviter les pressions. Alors qu’il aurait fallu, toujours selon ce généreux mécène, un peu d’égalitarisme dans ce monde égoïste. Pensez donc ! Il aurait suffi d’une association volontaire d’États souverains et égaux qui remettent une partie de leur souveraineté pour le bien commun, au lieu de laisser se détériorer une relation hautement toxique, entre créanciers et débiteurs, qui a contribué à créer un système à deux vitesses en Europe, entre les nantis et les démunis. C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité et s’essuie les pieds dessus. Il ne précise d’ailleurs pas qui ramassera la mise commune, une fois celle-ci constituée.

Le mirage bruxellois semble prendre fin, au bénéfice d’une Allemagne qui impose progressivement son autorité économique et politique à des nations européennes endormies. Le voile se déchire-t-il enfin pour la population française, dont la caste dirigeante s’est volontairement soumise au projet de vaste zone de libre-échange et d’investissement transatlantique ? En effet,les Français expriment à 83% leur euroscepticisme, en jugeant l’Union européenne peu ou très peu efficace. L’espoir européen reste élevé chez les plus de 65 ans, et chez les cadres supérieurs qui font toujours confiance à l’UE à près de 50%. Mais ils ne sont que 1% à la juger très efficace. Certainement les lobbyistes, fonctionnaires et élus européens, ou leurs clients les plus directs. L’impuissance de l’Union, face à la crise économique, et son absence sur toutes les questions internationales, sont de plus en plus flagrants aux yeux des Français. Il en est de l’Europe, comme de ces beaux songes qui ne vous laissent au réveil que le déplaisir de les avoir crus vrais. Si les peuples ont rêvé d’une autre Europe, que le modèle tyrannique qui s’annonce, alors il est temps pour eux de sortir de leur long sommeil.