Referendum en Suisse contre les parachutes dorés : quand la Suisse vote, la France reste aboulique

Il y a fort à parier que si les peuples européens pouvaient bénéficier de la même liberté d’expression populaire que la Suisse, le seul pays au monde à avoir une démocratie directe, ils partageraient la décision qui vient d’être votée par référendum, de limiter les bonus et les rémunérations abusives des cadres et dirigeants des grandes entreprises. A l’avenir ceux qui enfreindraient cette nouvelle loi, risqueraient une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement ou une amende équivalent à six ans de leur salaire. Près de 70 % de la population helvétique a voté dans ce sens. Plus fiable que tout organisme de sondage, ce résultat reflète parfaitement l’état d’esprit des populations qui voient leur niveau de vie disparaitre alors que dans le même temps les inégalités entre les rémunérations croissent sans raisons.

Cette initiative révolutionnaire dans un pays pourtant réputé conservateur, a été introduite suite à l’affaire emblématique d’un ex-dirigeant du groupe pharmaceutique NOVARTIS qui s’est vu remettre la bagatelle de 12 millions d’euros suite à sa démission, plus une prime de non-concurrence de 60 millions d’euros. Considéré comme un scandale par la population helvétique, l’entreprise a au final renoncé. Trop tard ! Le mal était fait. Dorénavant, Les “parachutes dorés” et les primes de bienvenue ou de non-concurrence seront interdits. Le gouvernement suisse s’est bien sûr opposé à ce projet de loi, avançant toujours le même argument que cela pourrait encourager les entreprises suisses à réorienter leurs investissements à l’étranger.
L’Europe n’organise pas de référendums « à la suisse ». Elle craint trop le résultat des urnes.

Toutefois, si une telle question était posée dans n’importe quel pays européen, la réponse serait la même. C’est peut-être cette raison qui a poussé Michel Barnier, le commissaire européen au Marché intérieur, à saluer le vote suisse en faveur de la démocratie actionnariale et a inspiré les ministres des Finances de l’Eurogroupe à réfléchir à un projet de loi semblable pour l’Union européenne. Loi qui complèterait le dispositif de limitation de bonus des boursicoteurs bancaires, rémunérations injustifiées car le risque est au final couvert par les contribuables. Un décision qui a immédiatement provoqué la colère du Royaume-Uni dont l’essentiel de l’économie repose sur la financiarisation et non sur la production.
Voici en tout cas une bataille rondement menée et une victoire bien méritée pour un peuple, qui ne se laisse pas déposséder de ses droits historiques, pour de fausses promesses de lendemains enchanteurs.

Un bel exemple que le peuple suisse donne aux hommes politiques, comme aux syndicalistes qui ne représentent plus que l’ombre d’eux-mêmes, mais qui restent imbus de leurs fonctions. S’autoamnistiant mutuellement, ils gesticulent à défaut d’avoir de réels pouvoirs et de volonté d’action constructive. Co-animateurs du chaos social, ils font mines de ne pas comprendre que le véritable combat réside aujourd’hui dans la reconquête démocratique, faute de représentativité, tant dans l’entreprise, que dans la société civile. Il est plus que temps de revenir à une vraie démocratie en France comme dans le reste de l’Europe. Le vent du printemps européen commence à se lever et les peuples réagissent un peu partout de la même manière. Ce qu’un président de la République française, prétendument socialiste, n’a pas pu ou voulu faire, le peuple suisse lui l’a fait. Et il n’est jamais trop tard pour bien faire.

C’est peut-être ce que s’est dit, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui, bien que reconnaissant cyniquement, le principe d’excellence de cette « expérience » démocratique suisse, ne souhaite visiblement pas son exportation en France. Car dans le même temps, le projet de loi sur le « référendum d’initiative partagé » à la française dispose de telles conditions d’application que même s’il voit le jour, il sera impossible à mettre en œuvre. Pourquoi refuser à ce point de soumettre directement aux voix des Français les projets de loi qui modifient profondément la société ou ceux qui engagent l’avenir du pays ? Tout simplement parce que pour ces démiurges, la France a cessé d’exister en tant que pays et les Français en tant que peuple pour devenir une entité appelée à disparaitre dans un futur proche. Les lois ne sont déjà plus décidées par ceux qui les votent et les engagements dans des conflits armés ne sont même plus soumis à la décision de l’assemblée nationale. On ne vote plus pour élire, mais le plus souvent par défaut. La démocratie a cessé d’exister en France et son peuple se demande à quoi peut bien encore lui servir, cette classe politicienne qui lui a confisquée le pouvoir. La Suisse est un pays neutre mais son peuple est resté combattif ; tout le contraire de la France d’aujourd’hui. Les yeux des Français sont en partie braqués sur la Suisse, guettant le chant du coucou qui contribuera peut-être à sonner enfin l’heure du réveil.