Sergeï Lavrov propose un plan pour sortir l’Ukraine de sa crise interne. Que vont faire l’Europe et les Etats-Unis ?

Alors que les violences continuent à Kiev, aux mains des milices ultra-nationalistes ou carrément néo-nazie, comme elles se définissent elles-mêmes, la diplomatie russe, dirigée par Sergeï Lavrov, tente de contrer les volontés d’hégémonie de l’OTAN en proposant un plan de sortie de crise en Ukraine. Un groupe de discussion a été demandé, par l’Union Européenne et les Etats-Unis pour, je cite « établir le dialogue entre Moscou et Kiev ». Postulat de départ erroné, puisque ce n’est pas la Russie qui est à l’origine des évènements de Kiev. La situation actuelle est une crise profonde de la société ukrainienne, attisée par des puissances occidentales. Pour Sergeï Lavrov, c’est bien , je cite : ce qui « a conduit à la polarisation de la société et à l’escalade brutale des antagonismes entre les différentes parties du pays. ». Fin de citation.
C’est la poursuite de cet objectif : aider à surmonter ces antagonismes internes à la société ukrainienne, qui devrait donc être au cœur des efforts de la communauté internationale.

Dans le respect de cet objectif, et en tenant compte des appels qui ont été adressés à la fédération de Russie, par les Etats-Unis et par des pays européens, il y a une semaine, Sergeï Lavrov a élaboré et remis à ses principaux partenaires aux Etats-Unis, en Europe et dans d’autres régions du monde, les propositions russes sur la façon dont pourrait être organisée cette aide externe, portant sur des mesures que les Ukrainiens devraient prendre eux-mêmes pour sortir de la crise.
A cette fin, la Russie a proposé de constituer un groupe de soutien compact pour l’Ukraine, dont la composition devrait convenir à toutes les forces politiques ukrainiennes. Les membres du groupe s’engageraient à s’inspirer de principes incontournables.

Le premier de ces principes est indiscutablement le respect des intérêts du peuple multi-ethnique de l’Ukraine, accompagné d’un soutien des aspirations légitimes de tous les Ukrainiens et de toutes les régions du pays, de vivre en sécurité, conformément à leurs traditions et coutumes, d’utiliser librement leur langue maternelle, d’avoir un accès libre à leur culture et à maintenir des liens étendus avec leurs compatriotes et leurs voisins. L’Europe devra aussi reconnaître, malgré la complaisance de Laurent Fabius et de l’imposteur BHL, l’inadmissibilité de la renaissance d’une idéologie néo-nazie. Il est nécessaire pour les politiciens ukrainiens de se dissocier des ultra-nationalistes et d’arrêter leurs tentatives de déstabilisation des différentes régions du pays.

Sergeï Lavrov continue ses propositions en insistant sur la reconnaissance de l’importance de la paix civile et de la concorde nationale en Ukraine, ainsi que la promotion des relations constructives dans la région euro-atlantique sur base de l’égalité et du respect mutuel des intérêts de tous les Etats qui y sont situés. L’Ukraine est un pays aux frontières de l’Europe et de l’Eurasie. Elle doit être un pont et non un obstacle aux bonnes relations entre ces deux blocs, et cesser d’être instrumentalisée par l’OTAN. Pour Sergeï Lavrov, le Groupe de soutien aura pour mission d’encourager les Ukrainiens à mettre en œuvre les actions prioritaires, comme le désarmement des milices et l’ouverture d’une enquête objective sur les actes de violences qui se sont produits en décembre 2013 et en février 2014, notamment l’assassinat par des snipers, de policiers et de manifestants. La présence d’un fusil de précision dans le coffre de l’actuel ministre de l’intérieur et son éventuelle implication dans ses meurtres sous-entend bien évident que cette enquête soit confiée à une juridiction indépendante…

Le deuxième chantier prioritaire pour les Ukrainiens est de convoquer sans délai, l’assemblée constitutionnelle avec une représentation équitable de toutes les régions d’Ukraine. Ceci afin de préparer une nouvelle constitution fédérale, en vertu de laquelle seront restaurés les principes de la primauté du droit, des droits de l’homme et de toutes les minorités nationales, la liberté d’expression et de l’activité des partis politiques et des médias, ainsi que d’autres principes qui assurent le système politique de l’Ukraine comme étant un Etat fédéral démocratique, détenant une souveraineté et un statut, militaire et politique, neutre.
On ne doit plus voir ces images extraordinaires, où des miliciens frappent en direct, le directeur de la première chaine nationale ukrainienne, parce que celui-ci, dans un esprit de neutralité, a oser diffuser une partie du discours de Vladimir Poutine. Cette nouvelle constitution fédérale devra également, à côté de la langue ukrainienne, octroyer le statut de deuxième langue officielle à la langue russe, tandis qu’un statut en conformité avec la Convention européenne sur les langues régionales et minoritaires, sera attribué aux autres langues.

Tout le pouvoir ne doit pas résider à Kiev, comme le montre le décalage entre les autorités régionales légales élues et le pouvoir central, non élu et pris par les armes. Les régions devront pouvoir élire directement, de façon autonome, les membres de leurs pouvoirs législatifs et exécutifs, et détiendront de larges pouvoirs qui refléteraient leur identité culturelle et historique, en matière d’économie et de finance, de questions sociales, de langue, d’éducation et de relations interrégionales, tout en protégeant les droits des minorités ethniques dans chaque entité fédérée. Dans les propositions de Sergeï Lavrov, il sera notamment interdit et punissable, d’interférer dans les affaires de l’église et dans les relations interconfessionnelles. La décision d’approbation d’une nouvelle constitution sera adoptée par l’assemblée constitutionnelle, sur base du consentement de tous les participants. Le projet de constitution sera soumis à un référendum, le peuple, comme en Crimée, détenant la seule légitimité. Enfin, le plan de solution de crise, soumis par la diplomatie russe à ses confrères occidentaux et ukrainiens, prévoit qu’immédiatement après l’approbation de la nouvelle constitution, sera fixée, sous le contrôle d’observateurs internationaux représentant une part large et objective de la communauté internationale, la tenue d’élections nationales des plus hautes autorités de l’Etat de l’Ukraine et d’élections concomitantes des pouvoirs législatifs et exécutifs dans chaque entité fédérée.

Bien évidemment, dans le cadre de relations apaisées et constructives, le référendum tenu en Crimée, sera reconnu et respecté. La Crimée a le droit de déterminer son propre destin, conformément aux résultats de la libre expression de volonté de ses habitants, au cours du référendum du 16 mars 2014, accepté par la Fédération de Russie. La Crimée est désormais une république autonome de la Fédération de Russie. Sergeï Lavrov s’est dit convaincu qu’une fois ces mesures acceptées et appliquées par la population ukrainienne, la souveraineté de l’Ukraine, son intégrité territoriale et le statut militaire et politique neutre, seront garantis par la Russie, l’Union européenne et les Etats-Unis. Une  résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies pourra consolider cette indépendance. Comme lors de la crise syrienne, la diplomatie russe se pose en arbitre du droit international et de la paix. La Russie, forte notamment des soutiens qu’elle peut avoir au sein des BRICS comme la Chine ou l’Inde, est d’ores et déjà prête à procéder sans délai à la mise en place d’un mécanisme multilatéral visant à faciliter le règlement de la crise ukrainienne, conformément à ces propositions.
S’il n’y a guère de doute sur les volontés des peuples occidentaux à privilégier la paix, on peut être plus inquiets des réelles motivations des chancelleries française, allemande ou américaine. Veulent-elles réellement la paix ?