9ème conférence annuelle de Vladimir Poutine : un exercice de style auquel devrait se prêter les vrais chefs d’état, ceux qui ne bricolent pas

La neuvième « grande conférence de presse » de Vladimir Poutine a eu lieu jeudi dernier. Cet exercice de style difficile, auquel peu de présidents en exercice dans le monde s’essaient, a pour but de dresser le bilan de l’année écoulée, en répondant, près de 4 heures durant, à plus de 1 300 journalistes russes et étrangers accrédités. Bien que son porte-parole, Dmitri Peskov ait annoncé à la veille de la conférence que le président Poutine ne ferait pas de déclarations sensationnelles, il a néanmoins annoncé la grâce présidentielle de l’ex-patron de Loukos, Mikhaïl Khodorkovski. Cette question, ainsi que celle des accords russo-ukrainien, ont été abordées dès le début de la conférence. Afin de vous donner une information la plus complète, nous avons choisi de les traiter dans des sujets à part, dans ce journal.

En ce qui concerne les questions économiques, Vladimir Poutine a fait savoir que le PIB russe avait augmenté cette année de 1,4 à 1,5 % et que l’inflation était en baisse de 0,5 %. Les pensions de retraite seront augmentées, et les travaux de grandes infrastructures seront poursuivis, puisqu’ils permettent le développement des régions russes, cœur de cibles du développement économiques, avec les sciences et l’éducation. C’est, pour le Président Poutine, l’une des voies de développements des productions de haute technologie, partout en Russie. La volonté affichée, depuis plusieurs années déjà, de sortir du tout énergétique pour valoriser un « made in Russia », portent ces fruits et profitent à toutes les régions russes, et pas seulement à Moscou ou à Saint-Pétersbourg.

Pour les questions de sécurité et de défense, les journalistes se sont préoccupés du sort d’Edward Snowden. Certains d’entre eux ont demandé si Vladimir Poutine le connaissait en personne. Il se trouve que le président russe n’a jamais vu l’ex-consultant de la NSA : la Russie lui a seulement accordé l’asile. Le président a par ailleurs souligné que les autorités russes n’avaient pas tenté de connaître les détails du fonctionnement des services secrets américains à l’égard de la Russie, en contre-partie de l’asile accordé. Il a expliqué, je cite : « Je vous dirai en jargon presque professionnel que sur le plan opérationnel, nous ne travaillons pas avec lui et nous ne l’avons jamais fait. Et nous ne l’importunons pas en l’interrogeant sur le fonctionnement des services secrets envers la Russie, nous ne lui demandons pas non plus où il a travaillé». Le chef de l’Etat a par ailleurs souligné que grâce à Snowden « des millions de personnes ont eu un déclic. » quant aux pratiques américaines, et que cela était déjà inespéré.

En commentant les informations diffusées par certains médias sur le déploiement de missiles Iskander dans la région de Kaliningrad, Vladimir Poutine a déclaré qu’aucune décision n’avait encore été prise. « Je voudrais noter que nous n’avons pas encore décidé de déployer ces missiles, gardez votre calme », a-t-il indiqué en soulignant que les missiles Iskander n’étaient pas le seul moyen de défense et de réaction aux menaces visant la Russie.  Et de préciser, je cite : « Les armements nucléaires tactiques des Etats-Unis sont déployés en Europe. Les Européens n’en ont pas le contrôle. Un autre segment très important des armements stratégiques américains déployés à la périphérie de l’Europe est en train de faire son apparition. Je veux parler du bouclier antimissile. Nous avons à maintes reprises fait savoir que le bouclier antimissile constituait une menace pour nous, pour notre potentiel nucléaire. Et que nous devions y réagir d’une façon ou d’une autre. Si je me souviens bien, mon prédécesseur avait déjà dit que le déploiement de missilesdans la région de Kaliningrad était considéré comme l’une des options de réaction de la Russie. Il n’y a là rien de nouveau », fin de citation.

Touchant peu ou prou, les questions de sécurité là aussi, les journalistes n’ont pas manqué d’évoquer l’action scandaleuse de Greenpeace dans les eaux  territoriales russes. Le président russe a fait savoir à ce propos qu’il soutenait tous ceux qui protégeaient la nature, mais pas ceux qui cherchaient à en faire un moyen de publicité et d’enrichissement personnel. Vladimir Poutine a insisté sur le fait qu’il n’adoucirait pas sa position sur l’infraction commise par Greenpeace. La mission du bateau Arctic Sunrise pouvait être commanditée et avoir pour objectif de torpiller les travaux de prospection russes dans l’Arctique. Le chef de l’Etat a en outre précisé que si les militants de Greenpeace pouvaient être amnistiés, dans le cadre des mesures de clémence annoncées pour le 20 anniversaire de la Constitution russe, l’amnistie n’a pas été prononcée spécialement pour eux. Qu’ils sachent donc en profiter, comme les Pussy Riots, mais que surtout, ils n’y voient pas une marque de faiblesse, ou une incitation à recommencer, ou alors à prendre le risque d’attendre l’amnistie générale qui pourrait être prise en 2033 pour les 40 ans de la Constitution…

Sur le plan international et du succès de la diplomatie russe dans le règlement du conflit syrien, Vladimir Poutine a affirmé que la Russie pouvait être fière de sa position de principe sur ce dossier. « Nous estimons avoir largement contribué à la résolution des problèmes urgents qui s’étaient accumulés depuis de nombreuses années dans le domaine de la Syrie et du dossier nucléaire iranien, mais nous sommes loin d’être les seuls à agir. Sans notre collaboration avec les Américains, les Européens, nos amis chinois, il aurait été impossible d’obtenir ces résultats ». Un triomphe modeste quand on sait la hargne, notamment mise par la Hollandie et son ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, pour obtenir, au sens propre comme au figuré, la tête du Président syrien… L’action bénéfique de la diplomatie russe devrait se poursuivre l’année prochaine, puisqu’en 2014, la Russie présidera le G8. Vladimir Poutine a assuré qu’elle respecterait le principe de la continuité pendant sa présidence. En évoquant les mécanismes concrets à mettre en place, le président russe a précisé que les sherpas cherchaient les sujets les plus importants et les plus actuels, en élaborant des textes acceptables pour tous les Etats, tout en attirant l’attention sur le rôle clé des Nations unies dans le règlement des problèmes internationaux.

Pour conclure, et comme une trame à toute son action, qu’elle soit intérieure ou extérieure à la Russie, qu’elle soit politique, économique, diplomatique, culturelle ou sociale, Vladimir Poutine a tenu à réaffirmer des valeurs inaliénables. En Occident, on accuse souvent la Russie de s’en tenir aux valeurs traditionnelles propres à un pays chrétien, de suivre sa voie et de ne pas adopter les valeurs dites « progressistes ». Dans son discours Vladimir Poutine a évoqué ce sujet : « Ce qui compte pour moi ce n’est pas tant de critiquer les valeurs occidentales, mais de prémunir notre société contre les pseudo-valeurs que nos citoyens ont du mal à accepter ». C’est pourquoi les autorités russes feront tout leur possible pour protéger les gens contre le comportement de certains groupes sociaux qui « non seulement vivent à leur façon, mais imposent en outre de manière agressive leur point de vue aux citoyens d’autres pays ». Vladimir Poutine a par ailleurs rappelé que l’idéologie de l’URSS était quasi-religieuse et que le code du constructeur du communisme est une copie de la Bible, bien qu’assez piteuse. Il a donc souligné qu’il jugeait important de défendre la société russe qui voit ses valeurs traditionnelles attaquées. Et que, s’il le faut, pour mieux protéger ces valeurs traditionnelles en Russie, il aiderait à les défendre dans d’autres pays où les populations partagent ses préoccupations…