Espionnage des USA : il ne fait pas bon être un opposant au système, quand on est américain

Décidemment, il ne fait pas bon rechercher la vérité aux Etats-Unis et encore moins, y dénoncer les crimes ou les scandales qui s’y multiplient au nom de la raison d’état. Le jugement rendu contre le soldat américain, Bradley Manning, pour avoir fourni au site Wikileaks des milliers de documents classifiés, permettant de révéler les manipulations et les crimes couverts par l’administration américaine, sonne comme un ultime avertissement pour des informateurs potentiels. Un précédent suffisamment grave, pour que l’associationReporters Sans Frontièresy perçoive, la possible fin du journalisme d’investigation aux Etats-Unis. Pour les associations américaines de défense des droits humains, c’est la preuve que les priorités du gouvernement, sont de décourager toute nouvelle initiative de dénonciation de sa politique. En d’autres mots d’établir une nouvelle censure.

Contrairement à l’effet recherché, ce jugement a provoqué un immense tollé aux Etats-Unis et dans la communauté internationale, au moment précis où le monde apprend, grâce aux révélations d’Edward Snowden, qu’il est espionné électroniquement par la NSA, et que Washington ne fait plus cas de la vie privée de ses propres citoyens, devenus des suspects par principe. Ces initiatives personnelles s’inscrivent en réalité dans un vaste mouvement de prise de conscience et de dénonciation d’une administration américaine, qui semble avoir échappé au pouvoir suprême du peuple américain, au point que le père de Snowden a déclaré que son fils« avait trahi son gouvernement, mais pas le peuple des Etats-Unis ». Face à la mobilisation populaire, le Sénat américain a de son côté officiellement exigé, la fermeture du programme de surveillance Prisme et demandé de déclassifier un certain nombre de documents, régissant la collecte d’informations sensibles, afin de juger de l’efficacité du logiciel controversé. En attendant certainement d’être obligé de se pencher sur le logiciel Xkeyscore capable de surveiller en temps réel les courriels, recherches Internet, réseaux sociaux et à peu près tout ce qu’un utilisateur fait sur le réseau.

Victoire à la Pyrrhus pourtant, car pendant que certaines révélations sont divulguées, des morts mystérieuses tombent à point nommé et s‘enchainent comme dans les pires films hollywoodiens. Après le suicide incompréhensible en janvier, du génie de l’informatique Aaron Swartz, 26 ans, militant d’un internet libre, puis la mort dans l’explosion de sa voiture du journaliste d’investigation Michael Hastings qui tentait d’exposer la corruption du gouvernement américain, c’est au tour du pirate Barnaby Jack, 35 ans, qui s’était rendu célèbre pour avoir démontré les faiblesses des dispositifs électroniques du quotidien, comme les distributeurs automatiques de billets ou le vote électronique, au grand dam des banques et des autorités qui avaient tout fait pour décrédibiliser ses découvertes. Comme tant d’autres avant lui, il a été retrouvé sans vie à son domicile de San Francisco, la veille de sa participation à une conférence qui devait révéler les failles de sécurité des équipements médicaux (pacemakers ou défibrillateurs implanté) pouvant être actionnés à distance et déclencher une mort à distance.

La suprême et plus grande démocratie autoproclamée au monde, prend ainsi de plus en plus l’apparence d’une technostructure, dans laquelle l’expression humaine tend à s’effacer, car devenue dangereuse pour le bon fonctionnement de son Etat omnipotent. La conception fédérale cède désormais le pas à un concept impérial, qui pour les peuples qui en dépendent, ressemble plutôt à une immense prison, grande spécialité du pays. Comme en atteste ce fait-divers qui a vu la police débouler l’arme au poing dans une famille dont la mère avait eu la mauvaise idée de rechercher sur internet une cocotte-minute, et dont le père avait eu le malheur lui, de rechercher un sac à dos sur le même ordinateur.
On a frôlé le pire. Si la recherche eut porté sur une couscoussière, nul doute que la maison eut été rasée par le tir bien ajusté d’un drone couvrant la zone d’une éventuelle menace terroriste. Car rappelons-le, depuis l’autorisation faite par le président Obama, il est dorénavant possible de les utiliser sur des citoyens américains, y compris sur le territoire national.

Cette situation tragi-comique illustre parfaitement la surveillance générale dont sont victimes, à leur insu, les populations occidentales qui voient se multiplier caméras et drones, proportionnellement à la perte de leurs droits élémentaires. C’est déjà le cas en Angleterre, où une municipalité près de Londres recherche, non pas de dangereux terroristes, mais de simples traces de vie humaine dans les garages et les remises qui indiqueraient la présence de locataires non déclarés. Bientôt, les citoyens n’existeront, non plus en fonction de paramètres biologiques mais en vertu de données électroniques. Les ordinateurs décideront de qui doit vivre et de qui doit disparaître, selon des probabilités de rendement ou de danger. Comme toujours la réalité dépasse trop souvent la fiction.