Que ce soit en Ukraine ou au Kazakhstan, c’est bien une guerre qui se livre pour des libertés fondamentales.

L’Ukraine a donc souverainement décidé que son avenir était à l’Est, et qu’elle ne cèderait ni aux menaces ni aux flatteries d’une Union européenne déclinante et en faillite. Alors que le sommet « Partenariat oriental » de Vilnius approchait à grand pas, qu’un accord d’association était exigé par Bruxelles, le Premier Ministre ukrainien, Nikolaï Azarov, a signé un décret mettant fin aux négociations, enlevant tout mandat aux négociateurs et priant la délégation bruxelloise de plier bagages.

A Kiev, l’opposition financée par les fondations Rockfeller et Soros crie à la trahison, et on ne parle jamais aussi bien que ce que l’on pratique, soit dit au passage. Le gouvernement, quant à lui, met l’accent sur la nécessité de rétablir les échanges commerciaux avec la Russie et les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui ont baissé de 25 % ces derniers mois.

A Moscou, on se félicite de la sage décision de l’Ukraine. Il faut dire que l’automne 2013 aura été particulièrement faste pour la diplomatie russe. Deux mois après son coup de maître dans le dossier syrien, le Kremlin vient en effet de remporter une nouvelle bataille géopolitique de premier plan. L’imbroglio ukrainien va conforter l’image d’une Russie, de nouveau puissante sur la scène internationale. Depuis l’effondrement de l’URSS, un singulier aveuglement a conduit nombre de dirigeants occidentaux à considérer Moscou comme quantité négligeable. Il serait temps d’ouvrir les yeux, car on aurait tort de croire que tout ceci est un jeu sans conséquences. La Fédération de Russie est en train de rétablir un ordre mondial multipolaire, s’opposant à la mainmise unipolaire des USA sur le monde et ses ressources naturelles.  C’est une guerre qui ne dit pas son nom, menée pour les intérêts de la Fédération, certes, mais également pour tous les pays actuellement soumis aux diktats de Washington. La France pourrait un jour voir son salut venir des combats menés beaucoup plus à l’Est, dont elle n’a même jamais entendu parler.

Nous avions évoqué sur ce même plateau, dans notre édition du 7 octobre, les problèmes juridico-politiques qui créent un climat malsain au Kazakhstan, notamment par la corruption générée par les compagnies américaines — ou l’administration américaine — sur des marchés sensibles. Une affaire en cours illustre comment un conflit entre compagnies privées pourrait très bien déboucher sur une guerre ouverte entre plusieurs nations.

Le Kazakhstan est l’un des rares pays au monde à détenir dans son sous-sol des terres-rares, ces minerais aussi difficiles à extraire que nécessaire aux technologies de pointes. La Chine en possède 95% des réserves mondiales et a restreint ses exportations. Il est donc difficile pour les USA de s’en accaparer… Ces éléments entrent dans la composition de produits aussi divers que les téléphones portables, les turbines d’éolienne ou les écrans plats. Toute l’économie occidentale en dépend.

Ces minerais existent dans le sous-sol kazakh. Un consortium russo-kazakh a été créé pour valoriser ces ressources, et permettre leur mise à disposition sur le marché mondial rapidement. Cette association s’appuyait sur la multinationale Omsk dirigé par le russe Alexandre Soutyaginsky. Selon l’agence de notation Expert, Omsk est l’une des 400 plus grandes entreprises de Russie, partenaire de tous les grands chantiers de rénovation et de construction en Russie, mais également dans la CEI. Malgré sa réputation, son statut international, le PDG du groupe Omsk, Alexandre Soutyaginsky, va être l’objet d’une véritable conspiration au Kazakhstan afin de donner le contrôle de l’exploitation des terres-rares à des capitaux étrangers, notamment américains.

Faux témoignages, manipulations de preuves, corruptions de fonctionnaire, Alexandre Soutyaginsky est incarcéré pour avoir tenté d’assassiner un concurrent : on a retrouvé une kalachnikov dans son coffre avec 41 cartouches.

Pour avoir un ordre d’idée, c’est un peu comme si on retrouvait une arme dans le coffre de Xavier Niel, le leader de Free, et qu’on l’emprisonnait pour avoir voulu tuer le PDG de France Télécom. C’est aussi gros, aussi caricatural. Pourtant, Alexandre Soutyaginsky est condamné à 12 ans de prison et son entreprise lui est enlevée, ses biens personnels confisqués au Kazaksthan, puisqu’il a la double nationalité. La juge Koul’pach Outemisova, chargée de l’affaire en appel, va témoigner devant les caméras, des tentatives de corruption qu’elle a subie pour faire rester Alexandre Soutyaginsky derrière les barreaux. Elle ne cédera pas, fera libéré Soutyaginsky mais le paiera très cher : sa carrière sera brisée et elle doit désormais vivre sous protection policière.

L’administration kazakh, sur ordres de puissances étrangères, viole son propre droit et sa propre constitution. Les enjeux financiers et géostratégiques sont énormes, rien ne sera laissé au hasard pour que les empêcheurs de piller en rond soient libres.

On peut se dire que vu de France, le sort d’Alexandre Soutyaginsky et de Koul’pach Outemisova n’a pas beaucoup d’importance. L’un a voulu que les ressources rares puissent servir à tous, et non contribuer à la domination des Etats-Unis, un pays aux mains de multinationales apatrides et criminelles. Et il l’a payé de sa liberté et de ses biens. L’autre, petit juge, a considéré que son serment valait plus que les millions de dollars qu’on lui proposait pour attenter à la liberté et aux droits d’un individu, qu’elle ne connaissait pas. C’est en résistant chacun à leur manière contre un monde sans justice et sans valeurs qu’ils ont fait échos à bien des revendications des peuples occidentaux.

Que ce soit en Ukraine ou au Kazakhstan, ce sont bien deux conceptions du monde qui s’affrontent. Et la toute puissance de l’ennemi commun rend indispensable l’union des nations et des peuples qui désirent s’en affranchir.