Match retour pour le « Dîner de cons », cette fois c’est lui qui invite à l’Elysée

Décidemment le récent séjour du président de la république française aux Etats-Unis, l’aura grandement inspiré. Ses rencontres avec les grands patrons, ainsi que les repas à la Maison Blanche, dont il s’est avéré très friand, l’ont décidé à renouveler l’expérience à domicile, en conviant à déjeuner à l’Elysée, pas moins de 34 dirigeants d’entreprises étrangères. Son but, outre de tenter de retrouver quelques points dans les sondages, était de convaincre les investisseurs, d’investir en France. Un véritable défi pour celui qui a réussi l’exploit de fait fuir à l’étranger, les entrepreneurs français, lassés de l’instabilité fiscale et de la lourdeur administrative. Réitérant, son numéro d’outre-atlantique, il présente un scénario osé et inédit en associant le « Je t’aime, moi non plus » avec le « Dîner de con ». Sauf que cette fois-ci le benêt n’est pas l’invité, mais celui qui reçoit.

Tout l’enjeu du conseil stratégique de l’attractivité est donc de présenter la France sous son meilleur visage. Cependant, malgré tous les artifices des réformes engagées (accord national interprofessionnel, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, emplois d’avenir et, bien sûr, le récent « pacte de responsabilité »), la promise ressemble plus à une courtisane sur le retour qu’à une jeune première. Et les investisseurs ne sont pas des philanthropes, surtout lorsqu’ils le prétendent. Leur principale motivation n’est pas d’améliorer le PIB d’une nation ou le niveau de vie d’une population, ce qui est le rôle de l’Etat. Leur principale motivation est bien de retirer du profit, donc de l’argent et le plus rapidement possible.

De deux choses l’une. S’ils investissent en France, c’est soit pour profiter d’une situation économique florissante, et dans le cas de la France on peut éliminer cette hypothèse. Soit pour tirer profit de solutions avantageuses sous forme de mesures incitatives sociales ou fiscales, sortes de subventions d’Etat déguisées, car interdites dorénavant par Bruxelles. Il faut donc s’attendre à une série de dispositions visant à intensifier l’effacement de l’Etat français tout en diminuant les coûts de production. Autrement dit, réduire le coût du travail en comprimant les salaires et en limitant la protection des salariés. La France a certes besoins de mesures pour améliorer sa compétitivité mais pas au point d’abandonner son système de protection sociale, unique au monde. Encore une victime collatérale d’une politique entamée depuis plusieurs décennies, qui arrive à maturité, à l’orée du traité transatlantique avec l’avènement du modèle libéral anglo-saxon.

Avec ces réformes, en tout point conformes aux dogmes mondialistes, le reliquat d’Etat français laisse les investisseurs étrangers prendre le contrôle d’entreprises nationales, leur permettant par la suite de faire la pluie et le beau temps. Ces mêmes investisseurs qui, règles du marché obligent, se retireront dès qu’ils le souhaiteront, après avoir fait main basse sur les technologies et les centres de recherche européens. Ce fut le cas récemment pour Arcelor Mittal, ce sera certainement le cas pour Peugeot qui après avoir été interdit de marché iranien, pour complaire aux firmes anglo-saxonnes, ouvre son capital aux investisseurs chinois. Les Chinois qui utilisent ainsi leurs excédents commerciaux pour racheter à bon compte des entreprises industrielles européennes. Contrairement aux Etats‑Unis ou au Japon, l’Europe ne s’oppose plus à ces rachats et y a même contribué avec la crise de l’Euro. Malheureusement, la réciproque n’est pas vraie. En effet, la Chine empêche toujours largement les investisseurs étrangers de pénétrer dans certains secteurs stratégiques, limitant ainsi la présence d’entreprises extérieures sur son territoire. Le bon sens aussi semble s’être délocalisé.

Comment faire croire aux Français, qui subissent de plein fouet les fermetures d’usines, la disparition progressive des savoir-faire et une paupérisation croissante en raison d’une dépendance aux politiques de Bruxelles et de Washington, que la solution autrefois nationale proviendrait dorénavant de l’étranger ? Rien n’est fait pour protéger l’emploi et donc la production locale de richesses, dans l’hexagone que l’on ouvre aux quatre vents de la mondialisation. Et ce qui devait arriver arriva. Les courants d’air des délocalisations ont grippé l’économie française, malgré les promesses de réchauffement mondial. La fièvre sociale augmente face à la tiédeur d’une caste politique qui a partiellement dénudé la France en faisant mine de la préserver. Dans une société qui voit l’intérêt politique soumis aux gains économiques, on perçoit mal comment M. Bricolage pourrait inverser la courbe du chômage comme celle des investissements.